Les trois premières années n’auront pas été de tout repos mais celles-ci ont illustré la propension du Syndicat et de tous ses acteurs, à s’adapter à un contexte dégradé tout en maintenant le cap des évolutions souhaitées. Covid-19, inflation, sécheresses hivernales se répétant depuis 4 ans, nous demandent de la flexibilité, de l’engagement et de la rigueur au quotidien afin d’assurer la continuité et la qualité optimale de services légitimement attendue par nos usagers. Et, nous avons démontré notre capacité à absorber les répercussions de ces événements sur nos équipes, notre organisation, nos ouvrages, le réseau, l’environnement et pour les usagers.
L’engagement de nos agents a été essentiel à la réussite et à la qualité de notre service public de l’eau. En sus de nos prérogatives, nous avons également pu conduire les axes de développement initiés en début de mandat, à savoir : investir plus et durablement, renforcer la performance, développer l’attractivité, relever les défis.
L’inflation n’a en rien entamé notre volonté d’avancer. Ainsi, notre niveau d’investissements en travaux d’eau et d’assainissement s’est poursuivi et se poursuit selon la feuille de route fixée par l’étude financière Mazars.
2023 aura donc été une année de grandes réussites et de défis relevés pour notre Syndicat : la concrétisation de l’harmonisation des tarifs de l’assainissement garantissant un traitement juste et équilibré sur le territoire, la création de la Direction Recherche Innovation & Développement qui est une étape indispensable pour consolider la résilience de nos systèmes et méthodes à court, moyen et long termes, le démarrage des travaux de la Manufacture d’Eau et la réorganisation de certains centres d’exploitation furent aussi des phases importantes pour pérenniser l’efficience de nos services et accroître nos performances économiques.
Vitale et partagée, l’eau nous oblige à prendre en compte sa singularité et l’usage que chacun en fait. Parce que nous ne sommes qu’un acteur, parmi d’autres, prélevant, traitant et distribuant l’eau, nous ne pouvons agir sur les volumes disponibles. Notre attention est donc totalement focalisée sur la qualité de l’eau fournie et la sobriété de nos activités, une péréquation parfois difficile. Modernisation de nos équipements, évolutions de nos pratiques, numérisation des systèmes et des process, surveillance téléopérée des 10000 km de réseaux d’eau potable, participent tous à des gains substantiels de tempérance et préfigurent le plan de sobriété promu par l’État (Plan Eau de mars 2023). Au-delà du Syndicat, l’eau nous impose de participer à des synergies et à la recherche de compromis équilibrés qui ont, entre autres, permis cette année d’élaborer et signer le protocole du Clain, puis de disposer d’une étude HMUC sur le même territoire.
Parce que nous sommes également des ambassadeurs de la préservation de cette ressource, nous nous devions d’accompagner les changements de pratiques possibles. C’est pourquoi, depuis 3 ans, nous avons fait renaître et consolider le programme Re-Sources.
L’eau dessine d’ores et déjà le cap d’une modération équilibrée entre nécessité, urgence environnementale et besoins humains. À nous désormais, de faire preuve de modération pour préserver les conditions de notre développement.
Focus sur l’eau
Dans un contexte où la crise de l’eau atteint des proportions de plus en plus alarmantes, nous sommes aujourd’hui confrontés à une tension structurelle au sein de nos ressources en eau potable. L’interrogation demeure : sommes-nous équipés des moyens adéquats pour prévenir les scénarios les plus critiques ? Les niveaux de vigilance instaurés sont-ils en phase avec la situation actuelle ?
La campagne de sensibilisation menée auprès des usagers dès le printemps 2023 par Eaux de Vienne, bien que louable, n’a eu qu’un impact limité et suscite des conflits quant à la répartition des usages. Face à des hivers successivement secs qui ont laissé nos nappes peu rechargées, il est évident que des mesures plus radicales sont requises. La diversité des solutions et éco-gestes à mettre en place est primordiale pour réussir à surmonter cette transition inéluctable. L’impératif de sobriété dans nos consommations, l’installation de dispositifs de récupération d’eau, la nécessité d’adapter les pratiques agricoles et industrielles, la promotion de cultures appropriées, voire la réutilisation des eaux usées une fois traitées, sont autant de voies à explorer. La conscience collective doit s’éveiller parmi tous les usagers, car il est clair que c’est notre société elle-même qui est questionnée s, l’eau étant le fondement même de la vie.
Notre modèle d’approvisionnement en eau potable est devenu obsolète et demande une profonde révision. Nos infrastructures sont basées sur un réseau de nombreux forages disséminés à travers le territoire, résultat de notre histoire avec les 45 syndicats d’avant 2015. Elles ne suffisent plus à répondre aux enjeux actuels. Les interconnexions qui contribuent à la sécurité de notre approvisionnement montrent également leurs limites, notamment en raison de la pollution croissante des forages par des pesticides, dont la liste risque, qui plus est, de s’allonger avec les avancées technologiques en matière d’analyse. À mesure que la technologie progresse, les consommateurs deviennent de plus en plus soucieux de la qualité de l’eau qu’ils consomment pour leur santé.
Dans le département de la Vienne, la conjonction d’une diminution de la quantité d’eau disponible et de la dégradation de sa qualité nous contraint à repenser en profondeur nos stratégies d’approvisionnement et de traitement. La diminution de nos réserves hydriques et l’augmentation de la demande sur les différentes utilisations sont des réalités indéniables qui ne concernent pas seulement notre département, mais l’ensemble du pays et au-delà. Il est impératif que nous prenions des décisions éclairées pour adapter notre gestion de l’eau au changement climatique et à ses conséquences. Des mesures radicales pour la protection de nos captages pourraient à moyen terme inverser la tendance. Redéfinir notre relation à l’eau, autrefois abondante et pure, doit ainsi guider nos actions pour créer un territoire vivant et résilient.
Face à l’augmentation constante des coûts de production engendrée par l’inflation, les traitements de qualité, les travaux et la main-d’œuvre, ainsi que la hausse du prix de l’énergie, il est nécessaire de réviser notre modèle économique. La qualité de l’eau occupe une place grandissante dans la tarification, ce qui se traduit par une augmentation des coûts d’exploitation et, par conséquent, des factures d’eau et d’assainissement. Les systèmes en place, tout en répondant aux exigences de qualité, nécessitent une quantité considérable d’eau pour fonctionner, ce qui met en évidence un paradoxe dans un contexte de demande croissante de préservation de l’eau. Nous devons revenir au principe de « l’eau paie l’eau ». De plus, les recettes issues de la taxation de l’eau par les Agences de l’Eau, ne sont plus principalement allouées aux services d’eau, mais sont détournées vers des missions étatiques éloignées de notre mission première.
Notre tarification départementale unifiée pour l’eau et l’assainissement offre une gestion plus efficiente, mais elle doit évoluer pour maintenir notre équilibre financier et répondre aux attentes de nos abonnés en matière de qualité et de service. Notre priorité majeure demeure la recherche de solutions durables et pérennes pour éliminer le métabolite du Chlorothalonil. Le déploiement actuel de filtres à charbon actif, bien que coûteux, s’avère insuffisant et temporaire, ce qui appelle à une réflexion plus poussée.
Notre engagement continu dans l’amélioration des réseaux, la gestion des fuites et l’exploitation demeure un défi constant. La route vers une gestion optimale de l’eau est parsemée de complexités, mais une conscience partagée et des actions concertées peuvent ouvrir la voie vers un avenir où l’eau demeure une ressource essentielle, gérée avec soin dans l’intérêt de tous.
Rémy Coopman.




